'URU, ARBRE A PAIN- Arbre d'abondance

'URU, ARBRE A PAIN- Arbre d'abondance 
 
En Polynésie, il suffit parfois d’écouter un vieux sage pour découvrir tout le mystère des îles. 
 
« Il y a très longtemps sévissait une grande famine sur l’île de Ra'iātea. Ruata’ata et son 
épouse Rūmauari’i se lamentaient sur le sort de leurs enfants. Ils n’avaient plus que de la 
terre rouge, 'araea, à leur donner pour tout repas. 
Un soir, Ruata’ata dit à son épouse : "Oh, Rūmauari’i, lorsque tu t’éveilleras demain matin, 
tu sortiras et tu verras mes mains : elles seront des feuilles. Mes bras seront des branches, 
mon corps un tronc, et ma tête sera un fruit rond." 
 
Ruata’ata sortit mais sa femme ne comprit pas ses paroles. Au réveil, elle constata que 
l’entrée de la caverne était ombragée par un arbre splendide. C’est alors qu’elle saisit tout le 
sens des paroles de son mari qui s’était transformé en arbre à pain pendant la nuit, en tumu 
'uru, désespéré qu'il était de voir sa famille mourir de faim. 
 
 
L’arbre se propagea rapidement, depuis cette vallée de Ra'iātea, vers les autres îles hautes 
et devint une inépuisable réserve de nourriture pour les Polynésiens. » 
 
Telle est la légende. L’arbre à pain n’est pas endémique et son histoire suit celle des 
Polynésiens. Au départ de leurs migrations, ils emportèrent sur leurs pirogues doubles 
quelques espèces de plantes. Artocarpus altilis est originaire de la région indo-malaise, où il 
ne représentait pas une importance alimentaire particulière. Les Polynésiens, ingénieux 
horticulteurs, sélectionnèrent les variétés que l’on trouve aujourd’hui. 
 
Cet arbre est grand et puissant. Ses feuilles sont d’un beau vert riche et profond, larges et 
très découpées. Elles semblent avoir été passées au vernis et peuvent atteindre jusqu’à un 
mètre de long. Ses branches grises se déploient dans le ciel jusqu’à 20 mètres au-dessus du 
sol. 
 
De son bois, léger et tendre, on fait des meubles et surtout des pirogues. Son écorce était 
battue pour fabriquer de l'étoffe ou tapa qu’on utilisait pour confectionner des vêtements. 
Toutes les parties de l’arbre produisent une sève laiteuse et épaisse. Mélangée à de la 
bourre de coco, elle était employée pour calfater les pirogues. Elle entre également dans la 
composition de certaines préparations en médecine traditionnelle. 
 
L’arbre à pain, nommé maiore ou 'uru en tahitien, donne un fruit de couleur verte, à 
l’épiderme un peu rugueux, au goût farineux et légèrement sucré. Le ’uru constituait la base 
de l’alimentation tahitienne à l’arrivée des Européens qui le nommèrent donc "arbre à pain". 
 
On dénombre actuellement plus de 50 variétés de ’uru dont les plus connues et les 
recherchées sont le pūero (à la chair très prisée et dont l’épiderme est jaune taché de brun), 
le pae'a, le huero (caractéristique de part les graines comestibles qui parsèment sa chair), le 
mā'ohi (variété la plus répandue dont la chair est blanche) ou encore le 'afara'a. 
 
Pour le consommer, il faut choisir un fruit mûr qui laisse apparaître une sève séchée de 
couleur brune en surface, signe de sa maturité. 
Préparé grillé sur un feu de bois ou directement posés sur les brûleurs d’une cuisinière à gaz, 
la peau se durcit, s’épaissit et noircit. Il faut alors peler le fruit et le fendre pour en retirer la 
partie centrale non comestible. La chair peut alors être consommée directement. Mais la pulpe farineuse peut aussi être battue : la pâte obtenue, après avoir subi une fermentation 
de quelques jours, se déguste en accompagnement de poisson ou de cochon : c’est le pōpoi 
des îles Marquises. Elle peut également être cuite au four traditionnel (ahimā’a), comme du 
pain. 
 
Le ’uru (dont les voyages dans toute l’Océanie ont fait la renommée) a été l’objet 
d’expéditions maritimes d’envergure destinées uniquement à faire l’acquisition de quelques 
pieds pour en doter les colonies anglaises de l’ancien et du Nouveau-Monde. 
 
Le Capitaine William Bligh était convaincu que l’arbre à pain, si apprécié à Tahiti, serait d’un 
bon apport culinaire pour les esclaves en Amérique. En 1787, après un long séjour en Baie 
de Matavai, il reprend la mer avec 1000 jeunes plants, à bord du Bounty. La mutinerie qui se 
déclara peu de temps après le départ de la Pointe Vénus était due en partie à la cruauté et 
aux abus de pouvoir du Capitaine mais plus encore à la sévère restriction de l’eau à bord, 
utilisée pour la survie de la précieuse cargaison. Les plants d’arbre à pain furent jetés à la 
mer par les mutins assoiffés et Bligh abandonné sur une embarcation, avec les quelques 
hommes d’équipage qui lui étaient restés fidèles. 
 
Les mutins de la Bounty finirent leur aventure sur l’île lointaine de Pitcairn, au sud-ouest des 
Gambier. 
 
Quant à Bligh, il survécut et put renouveler le transport de plants d’arbre à pain. En 1792, 
l’espèce fut introduite avec succès aux Antilles, à St Vincent. Les Français l’acclimatèrent un 
peu plus tard en Guyane. 
 
L’histoire veut que les esclaves n’apprécièrent pas le goût du ’uru, et lui préférèrent la 
banane plantain.