LE TATOUAGE - Tatau
01/03/2014 13:26
LE TATOUAGE - Tatau
A l’origine du nom
Deux mots polynésiens ont été adoptés dans de très nombreuses langues : tapu à l’origine de
tabou en français et taboo en anglais et bien sur tatau. Les mots tatouage (français), tatoo et
tattow (ancien anglais), sont donc bien dérivés de ce mot tahitien qui désigne la pratique
consistant à inscrire sur la peau des marques indélébiles.
Origines mythiques
Il existe une multitude de légendes sur les origines du tatau. Elles possèdent un point commun
: c’est toujours un dieu qui en fait le cadeau à un homme. Sur l’île de Tahiti, l’une de ces
légendes raconte que les premiers tatau furent réalisés pour les fils du dieu Ta’aroa, le dieu
suprême créateur de toute chose dans le panthéon polynésien. Ces derniers l’enseignèrent aux
hommes qui, trouvant cela extrêmement décoratif, en firent abondamment usage. Les deux
fils de Ta’aroa, Matamata et Tū Ra’i Pō devinrent donc les divinités tutélaires du tatouage.
Origines historiques
Elles sont assez floues remontant, sans doute, aux origine de la civilisation māori. Le tatouage
existait probablement déjà, chez les migrants venus d’Asie du Sud Est qui peuplèrent, par
vagues successives, à partir du 2ème siècle avant JC, les îles de Polynésie orientale puis
occidentale. Cette pratique semble avoir existé dans toutes les îles de ce que l’on appelle
communément le « triangle polynésien», une zone délimitée par l’actuelle Polynésie
française, la Nouvelle Zélande, Hawaï, Samoa, l’Ile de Pâques et les îles Cook.
Pratiqué à grande échelle, le tatouage se retrouvait sous des formes singulières dans toute la
Polynésie française, à l’exception du Sud de l’archipel des Australes ainsi qu’à l’Est de celui
des Tuamotu. C’est dans l’archipel des Marquises que l’art du tatouage aurait atteint son
développement le plus important de part sa grande richesse et la complexité de ses motifs.
Rôle dans la société traditionnelle
Dans la société polynésienne pré européenne, le tatouage constituait un précieux repère social.
Il pouvait ainsi indiquer l’appartenance à un territoire précis, à un clan, une famille et le rang
dans l’échelle sociale. Il pouvait aussi marquer l’accomplissement de rites sociaux importants
tel le passage de l’enfance à la puberté, le mariage etc…Il pouvait également représenter des
faits remarquables de la vie de celui qui le portait : actes de bravoures à la guerre, prouesses
de chasseur ou de pêcheur, etc… De façon plus simple, il pouvait être purement décoratif.
Son usage était très répandu. «Le Tatouage n’étais pas une obligation, mais il n’aurait pas été
convenable pour un Tahitien de ne pas être tatoué du tout », explique l’anthropologue Anne
Lavondes à propos du tatouage dans les îles de la Société.
Différents types
On peut distinguer quatre types de tatouages : ceux destinés aux dieux, aux prêtres et aux
ari'i, héréditaires et donc réservés à leurs descendants ; ceux de type hui ari'i, réservés aux
chefs (hommes et femmes) ; ceux de types hui to'a, hui ra'atira et 'īato'ai, manahune, pour les
chefs de guerre, les guerriers, les danseurs, les rameurs, etc. Sacré
Un des aspects fondamentaux du tatouage était son caractère sacré. Supposé hérité des dieux,
le tatouage était porteur de pouvoir surnaturel. Certains motifs étaient censés protéger
l’homme de la perte de son mana, le prestige et l'essence divine responsable de la santé, de
l’équilibre et de la fertilité et des influences maléfiques.
Et pour l’au-delà
Un tatouage allait également bien au-delà de la vie terrestre. Indélébile, donc éternel, « cette
œuvre inaltérable inscrite sur leur peau témoignerait plus tard de leur origine, de leur rang et
de leur héroïsme au moment de comparaître devant leurs ancêtres : les dieux du légendaire
pays d’Hawaiki », explique Karl Von Den Steinen, ethnologue allemand ayant procédé, de
1897 à 1898 à un relevé précis des diverses formes d'expression artistique des Marquisiens,
dont le tatouage.
Spécifique à chaque archipel
Les populations avaient développé un graphisme et des motifs spécifiques. Ainsi, le tatouage
tahitien et le tatouage marquisien sont complètement différents tant du point de vue graphique
que symbolique. En marquisien, tatouage se dit d’ailleurs patu tiki, ce qui signifie « frapper
des images », une expression révélatrice. Dans cet archipel, le corps pouvait être entièrement
recouvert de tatouage y compris le visage. Cela contrairement aux Iles Sous-le-Vent où le
visage n’était, apparemment, jamais tatoué. Malheureusement, une grande partie de la
signification des motifs et des graphismes a été perdue.
Les outils du tatouage traditionnel
Les outils du tatouage traditionnel étaient composés d’un petit peigne dentelé en os ou en
écailles de tortue ou nacres, fixé à un manche de bois. Les dents étaient trempées dans une
encre à base de charbon de ti’a’iri, la noix du bancoulier (Aleurites Moluccana, nom
scientifique), diluée dans l’huile ou dans de l’eau. Les dents étaient placées sur la peau tandis
que le tatoueur frappait le manche à l’aide d’une autre baguette de bois, provoquant l’incision
de la peau et la pénétration de l’encre. Avec les outils traditionnels, la réalisation d’un
tatouage pouvait être extrêmement douloureuse et requérait des jours, des semaines, des mois
voire des années entières. Ce qui en renforçait le rôle de rite de passage.
Des « prêtres » tatoueurs
Responsable de cette délicate opération, le prêtre tatoueur tahu’a tatau, aux Iles de la Société
et tuhuka patu tiki aux Marquises, était largement rémunéré et jouissait d’une grande
considération dans la société traditionnelle. Ce statut était bien souvent hérité de père en fils.
L’interdiction
Dès leur établissement durable dans les îles polynésiennes à la fin du 18ème siècle, les
missionnaires tant catholiques que protestants luttèrent contre la pratique du tatouage.
Converti au catholicisme dès 1812 et deuxième « roi »de la dynastie du même nom, Pōmare II
établit en 1819 un code de règles où figure l’interdiction du tatouage. Il est décrit comme une pratique qui doit être «abolie entièrement» car «appartenant aux anciennes et mauvaises
habitudes ». De plus, dans la nouvelle société christianisée, les Polynésiens devant être
entièrement habillés, la raison d’être même du tatouage disparaissait quasi complètement. En
conséquence, la grande majorité des motifs ainsi que la technique même du tatouage furent à
jamais perdues.
Le renouveau
Au début des années quatre-vingt, le tatau a reprit une place majeure dans la société
polynésienne avec une ré-appropriation et un renouveau de cette pratique séculaire. Bien sûr,
son caractère sacré et son rôle de marqueur social, indissociable de la société traditionnelle, se
sont fortement estompés. Le tatouage est devenu le porteur d’une forte revendication
identitaire polynésienne. S'y ajoute bien évidemment une dimension esthétique. De nombreux
jeunes Polynésiens se font maintenant tatouer.
Après avoir tâtonné et fait des recherches pour tenter de redécouvrir le sens initial des motifs -
sens qui est définitivement perdu pour nombre d’entre eux - les tatoueurs polynésiens
développent aujourd’hui leur art dans trois grandes directions : la reproduction des motifs
traditionnels, la réalisation de motifs strictement décoratifs (comme par exemple des dauphins
ou des raies Manta) et, depuis peu, certains d’entre eux réalisent des motifs entièrement
nouveaux mais directement inspiré de la tradition.
Un reconnaissance internationale
Aujourd’hui, des tatoueurs sont en exercice dans pratiquement toutes les principales îles
habitées de Polynésie française. Leur réputation et la beauté des tatau polynésiens sont telles
qu’ils attirent les visiteurs extérieurs. Certains tatoueurs polynésiens exercent leur art dans
nombre de grandes villes du monde comme Paris, Londres ou New-York. Le tatouage
Polynésien a acquis une réputation internationale de par ses racines traditionnelles et son
esthétique ethnique très en vogue.