LE MARIAGE POLYNESIEN - Fa’aipoipora’a porinetia
01/03/2014 13:38
LE MARIAGE POLYNESIEN - Fa’aipoipora’a porinetia
Dans la société traditionnelle
Quoi qu’aient pu en dire les «découvreurs» européens de la Polynésie française à la fin du
18ème siècle, les mœurs dans la société traditionnelle pré-européenne, étaient loin d’être aussi
dissolues que ne le prétend la légende du « paradis ». Bien souvent, les récits de ces
découvreurs laissent croire que le mariage chez les mā’ohi n’était qu’un accord formel avec
très peu de sentiments, d’amour, sans conséquence sociale et religieuse et dont l’acte sexuel
était le principal aboutissement. Cela était loin d’être le cas.
Un rôle majeur
Dans une société polynésienne bien plus complexe que ne le laissent penser les premiers
témoignages, le mariage polynésien répondait à des règles et à des rituels précis. Il marquait,
de fait, l’entrée dans l’âge des responsabilités. Dès lors que deux jeunes gens avaient décidé
de s’unir, il leur fallait obtenir d’abord l’assentiment de leurs parents respectifs. Plus il y avait
de biens ou de pouvoir en jeu, plus les négociations étaient serrées et compliquées. Il n’était
pas question de se marier en dehors de sa caste (ou classe sociale), au risque d’être déchu de
son rang et de ses privilèges.
Si les rites étaient un tant soit peu différents, et surtout d’un prix de revient très différent,
suivant la caste à laquelle appartenaient les futurs époux, le fondement religieux et
l’importance de l’engagement étaient les mêmes pour tout le monde.
Des enjeux parfois essentiels
En Polynésie comme ailleurs, plus l’enjeu était important et plus les mariages «arrangés»
étaient fréquents.
L’union maritale, par exemple, pouvait servir à mettre un terme à des guerres tribales, à
asseoir le pouvoir d’une famille sur un autre territoire que le sien, à construire ou augmenter
des fortunes en unissant des propriétés foncières, en associant des titres de « noblesse », etc…
Des négociations avaient donc lieu entre les familles des prétendants afin de définir les termes
de ce mariage et l’apport de chacun des partis dans la corbeille nuptiale. En plus de nouer des
alliances politiques et sociales, le mariage créait un ensemble d’obligations réciproques par
des échanges de biens et de services entre les familles. Ces obligations s’étendaient tout au
long de la vie des mariés mais aussi sur plusieurs générations.
Le rituel prénuptial
Une fois un accord établi, chacune des deux familles plantaient une branche de tī (plante
sacrée servant aujourd’hui à faire des haies) devant leurs fare. Cet acte symbolique rendait la
promesse sacrée. Dès lors, les préparatifs du mariage pouvaient commencer.
Le matin du premier jour de la cérémonie, la famille et les amis de la future mariée se
rendaient, sans elle, chez le fiancé. Si, en raison de l’éloignement, le trajet nécessitait de
naviguer sur le lagon, voire en haute mer, des pirogues étaient construites spécialement pour
l’évènement. Arrivée à destination, la délégation procédait à la remise des cadeaux selon un
rituel et un ordre définis par le rang de chacun des membres de cette délégation. Ensuite, la
famille de la future mariée rentrait chez elle et chacun s’affairait aux derniers préparatifs de la
cérémonie qui se déroulaient le lendemain. Il était primordial que l’union soit bénie par les Dieux. C’est donc sur le marae de la famille - en général de la lignée du futur époux- que se
déroulait le rituel religieux du mariage.
Une cérémonie codifiée
Après avoir revêtu les atours les plus somptueux possibles et parés de bijoux, de coquillages
et de couronnes de fleurs, le jeune couple, escorté par toute une procession, se présentait
devant le prêtre pour la cérémonie proprement dite.
Au cours de celle-ci, il fallait tout d’abord rappeler la lignée des ancêtres de chacun des deux
futurs époux puis rendre grâce aux Dieux les plus importants, mais aussi à ceux qui
apportaient leur protection à chacune des deux familles comme à ceux à qui était dédié le
marae. Ensuite seulement le grand prêtre procédait à la bénédiction des époux, rendant ainsi
leur union sacrée, officielle et indéfectible.
Ce n’est qu’après cette très longue cérémonie au cours de laquelle étaient faites de
nombreuses offrandes aux différentes divinités invoquées, offrandes pouvant aller jusqu’au
sacrifice d’animaux, que les festivités pouvaient commencer.
Ces festivités étaient organisées autour d’un grand tāmā'ara'a (banquet) agrémenté par des
chants et danses. Les jeunes époux trônant aux places d’honneur.
Dans la société contemporaine
Comme pour tous les ressortissants de nationalité française, le mariage en Polynésie française,
est d’abord un engagement civil validé par le maire de la commune ou par un des ses adjoints.
Puis, pour les croyants, ce qui est le cas de la quasi-totalité de la population de nos îles, cet
engagement est béni au cours d’une cérémonie religieuse soit catholique, soit protestante, les
deux principales confessions du pays. Chaque année, environ 1 000 mariages sont célébrés.
Le mariage reste donc une institution solide dans la société polynésienne.
Attrait et rayonnement du mariage d’inspiration traditionnelle
Bien que les religions traditionnelles ne soient plus pratiquées et que l’essentiel de la mémoire
des rites qui les caractérisaient ait été perdu, de nombreux hôtels et structures touristiques du
pays organisent des cérémonies de mariage d’inspirations traditionnelles. Ces cérémonies
n’ont, bien sûr, qu’une valeur symbolique et non légale. Mais reprenant une partie des rituels
et des fastes déployés lors des mariages traditionnels de haut rang, elles connaissent auprès
des visiteurs un franc succès.
Célébrités et personnalités sont ainsi de plus en plus nombreuses à venir, symboliquement,
convoler sur nos îles. Se sont ainsi mariées des stars telles qu’Eddy Barclay, Mickey Rourke,
Dustin Hoffman, et plus récemment Eddy Murphy sur l’île de Bora Bora.
Les cérémonies reconstituées
Les mariés arrivent sur le lieu de la cérémonie en pirogue, accueillis au son d’un groupe de
chants. Revêtus de costumes traditionnels et parés de colliers de fleurs, ils sont unis par un
tahu’a, un prêtre dans la religion pré européenne.
Comme dans les temps anciens, un drap appelé tāpo'i recouvre les mariés qui reçoivent les
souhaits des invités. La présence d’un groupe de danse, une balade en pirogue sur le lagon
agrémentent souvent les festivités qui se tiennent de surcroît, sur des plages ou des motu. Un
«certificat» de mariage écrit sur un tapa (étoffe fabriquée à partir d’écorce d’arbre) est
souvent remis à cette occasion. Exotisme, fastes, rituels et décors paradisiaques se conjuguent donc pour assurer le succès et
la renommé de ces mariages polynésiens encore imprégnés du goût des festivités et de la
convivialité qui caractérisaient et caractérisent encore la société polynésienne.
Lunes de miel et mariages
En plus de l’attrait que représentent ces mariages, la puissance du mythe entourant la
destination et le romantisme qui y est attaché ont fait de Tahiti & ses îles, une destination
privilégiée pour les voyages de noce. Environ 30 % des touristes, soit environ 66 000
personnes par an, viennent en Polynésie française passer leur lune de miel. Cette clientèle dite
de « honeymooners » est répartie, quasiment au tiers près, entre Nord-Américain, Européen et
Japonais. Pour ces derniers, Tahiti est fortement liée d’un voyage de noce.
Il est fréquent que les jeunes mariés de tous ces pays associent à ces lunes de miel, la tenue
d’un mariage traditionnel, apportant ainsi une touche romantique et exotique supplémentaire à
leur séjour.