Histoire du peuplement de la Polynésie-Française

HISTOIRE ET SOCIETE - Du peuplement à la colonisation 
 
ORIGINE ET PEUPLEMENT 
 
Une civilisation au cœur du Pacifique 
 
Les îles polynésiennes que «découvrent» les navigateurs espagnols sont, en fait, déjà 
occupées par des peuples de marins et de pêcheurs formant une civilisation spécifique et 
structurée, bien loin de l’état de «sauvages». 
Il y a quatre mille ans, une vague de peuplement,venue du sud-est asiatique, se déploie sur 
l’ensemble des îles mélanésiennes et micronésiennes. L’origine asiatique de ces populations 
qui se déplaçaient par migrations maritimes successives est attestée par les vestiges 
archéologiques qu’a laissés la civilisation dite de la poterie «Lapita». 
Entre 1 000 à 1 500 av. JC, ces peuples dits «austronésiens» poursuivent leur migration plus 
à l’Est notamment en Nouvelle-Calédonie et vers les îles de la Polynésie occidentale (les 
actuelles îles Fidji, Samoa et Tonga ). 
 
Naissance et essor des «Polynésiens» 
 
Isolées dans un espace insulaire, ces populations de souche austronésienne acquièrent 
pendant environ 10 siècles une identité polynésienne spécifique. Poursuivant ensuite le 
mouvement de peuplement vers l’Est pour des raisons que l’on ignore encore aujourd’hui, 
ces Polynésiens peuplent, entre 700 et 500 av. JC, les îles de la Polynésie orientale (Îles Cook, 
archipel de la Société, Marquises, Hawaï ...). 
Différentes théories s’affrontent toujours sur ces migrations. Pour certains chercheurs, la 
première vague en provenance des îles Samoa et Tonga peupla d’abord l’archipel des 
Marquises. Pour d’autres, ce fut d’abord les îles de la Société. Ce que l’on peut dire, c’est 
que les archipels de la Polynésie orientale ont été colonisés presque simultanément, deux à 
trois siècles avant notre ère. 
 
A la conquête des dernières terres 
 
Après une période d’installation et d’adaptation dans ce nouvel environnement, les 
Polynésiens partirent peupler Hawaï, au nord (entre 300 et 400 apr. JC) et l’île de Pâques 
(400 à 500 apr. J.C.). Enfin, plus tardivement, une ultime vague de migrations sans doute 
partie de l’archipel de la Société, donna lieu au peuplement de la Nouvelle- Zélande (entre 
700 et 800 ap. J.C). 
Enfin, il est probable que les Polynésiens eurent des contacts avec les côtes qui bordent la 
Cordillère des Andes, en Amérique du Sud. La patate douce, 'ūmara ou kūmala qui a 
fortement contribué à la nourriture de ces populations insulaires, est en effet d’origine 
sudaméricaine. 
L’hypothèse d’un peuplement des îles polynésiennes par des populations en provenance du 
continent américain, un temps avancée par l’ethnologue et navigateur Thor Heyerdall, est, 
aujourd’hui, abandonnée. 
 
Une incroyable odyssée maritime 
 
Le peuplement des îles polynésiennes, de 500 av. J.C. à l’an mille, est incontestablement l’un 
des plus grands exploits maritimes de l’histoire de l’Humanité. Si, dans le Pacifique Ouest, un 
1ou deux jours de navigation sont suffisants pour passer d’une île à une autre ; à l’inverse, 
dans le Pacifique Est, les distances entre les îles nécessitent de longues traversées en haute mer. Au tout début de notre ère, cette aventure humaine et technique exceptionnelle fut 
rendue possible grâce à une formidable maîtrise de la navigation hauturière sur des pirogues 
à doubles coques ou pahī. 
Faites principalement de troncs d’arbres et de fibres végétales, sans aucun métal - mantière 
inconnue des peuples Polynésiens - ces vaisseaux pouvaient atteindre 30 m de long. Les plus 
grandes pouvaient embarquer plus de 30 passagers munis de vivres pour le voyage mais 
emportaient aussi à bord plantes et animaux (chiens, cochons, volailles) nécessaires à 
l’installation sur leur nouvelles terres d’accueil. 
Ne connaissant pas la boussole ni les instruments de mesure, les Polynésiens mirent au 
point des techniques de navigation fiables uniquement grâce à leur connaissance des 
repères naturels (position des étoiles, forme et direction de la houle, courants marins, vols 
d’oiseaux, vents, etc…) 
 
LA SOCIETE POLYNESIENNE PRE EUROPEENNE 
 
Diversité et unité linguistique 
 
Les civilisations antérieures à la «découverte» européenne ont laissé peu de traces visibles. 
Les sociétés polynésiennes étaient en effet de structure orale et à ce titre, ne connaissaient 
pas l’écriture alphabétique. Les connaissances étaient donc transmises de bouche à oreille, 
au sein des différentes expressions de la tradition (techniques, coutumes, légendes mais 
également généalogies). 
La langue est sans aucun doute le premier vecteur de culture d’un peuple et le meilleur 
témoin de son unicité. Les langues polynésiennes sont toutes issues de la branche dite « 
proto polynésienne orientale ». Elles se sont séparées en deux familles distinctes : le proto 
tahitien et le proto marquisien. Les reo ‘enata et 'enana, parlés dans l’archipel des 
Marquises et le mangarévien ou reo ma’areva, parlé dans l’archipel des Gambier sont issus 
de la branche proto marquisienne. 
A noter que ces langues sont très proches du Hawaïen ou reo vaihī et du pascuan ou reo 
rapa nui. Ce qui semble confirmer les origines marquisiennes des «colonisateurs» 
Polynésiens de Hawaï et de l’île de Pâques. 
Quant au proto tahitien, il est à l’origine du reo tahiti, parlé dans l’archipel de la Société; des 
reo pa’umotu, parlés dans l’archipel des Tuamotu et des reo tūha’a pae parlés dans 
l’archipel des Australes. Quant à la langue māori de Nouvelle-Zélande et au reo raroto'a de 
Rarotoga, elles sont aussi dérivées du proto tahitien. 
 
Une société très structurée 
 
La société polynésienne traditionnelle disposait d’une organisation sociale complexe et 
systémique où les nombreuses communautés la composant détenaient chacune, une partie 
de prestige et de pouvoir ou mana, chacune étant nécessaire et vitale au bon 
fonctionnement de la société toute entière. Il y avait bien sûr la communauté des chefs ou 
hui ari'i, qui représentaient le pouvoir sans pour autant détenir le droit divin et exclusif de 
l'exécuter seul. 
Le ari'i portait le mana au nom de tous, le mettait en exergue, en était le symbole fort et 
présentait comme caractéristique essentielle de toujours garder une position humble et de 
réserve ou ri'i vis-à-vis de son peuple. 
Les hui ra'atira représentaient les communautés de dirigeants. Ils pensaient et concevaient 
les stratégies économiques et sociales du groupe, ils étaient à l'image du mât ou tira portant 
les voiles de la pirogue qui la fait avancer. Contrairement aux à priori des découvreurs, la 
communauté des manahune, loin d'être composée de petites gens, du bas peuple, des  
"plébéïens" comme il s'est longtemps dit dans les livres d'histoire, étaient ceux qui 
détenaient et thésaurisaient le potentiel de prestige et de pouvoir de la société. Tel un 
réceptacle, un coffre-fort, il leur appartenait d'activer ce pouvoir pour le mettre entre les 
mains des ra'atira chargés de l'exécution concrète des décisions, stratégies et actions. D'un 
point de vue technique et spirituel, les hui tahu’a ou communautés de spécialistes, 
exerçaient leur mana en transmettant leurs connaissances théoriques et pratiques aux 
jeunes initiés se destinant à telle et telle discipline, à telle spécialité ou à tel corps de métier. 
Certes, il y avaient aussi des tahu'a tahutahu, spécialisés dans les choses de la magie et du 
surnaturel, il y avaient des tahu'a 'upu, des prêtres, mais il y avait aussi des tahu'a va'a 
(spécialistes dans la construction des pirogues), des tahu'a rapa'au (spécialistes dans les 
médecines traditionnelles), etc ... 
Et parce que la culture polynésienne était orale, les communautés de haere pō détenaient le 
mana de mémoire et de transmission de l'histoire du peuple, de ses sagas, de ses 
généalogies, de ses épopées et légendes, de leurs chants de louanges, etc .... Ils les 
transmettaient sur les places publiques, du coucher du soleil jusqu'au lever du jour, 
inscrivant ainsi dans la mémoire de chaque individu une part, un clé du patrimoine 
inaliénable et déterminant de leur existence même. 
D'autres communautés comme les hui arioi, les hui to'a, les hui vao, les hui teuteu, etc ..., 
participaient de ce système complexe et chacune détenait une partie de prestige différente 
et intrinsèque, essentielle dans sa compémentarité avec les autres, au bon fonctionnement 
du système. 
 
Cohésion sociale 
 
Cette société systémique fondée sur une perception commune et profondément religieuse 
de l’univers, assurait une grande cohésion sociale à des groupes parfois très éloignés mais 
communiquant régulièrement les uns avec les autres. Ce qui n’empêchait pas les conflits 
d’être réglés par des guerres claniques relativement fréquentes mais ritualisées. 
Les différentes expressions de la vie en société (alimentation, vie sexuelle, travaux, 
habillement, mariages, funérailles…) faisaient également l’objet d’un traitement ritualisé. 
Cette nécessité de vie commune où la vie des uns était inaliénablement liée à celle des 
autres se manifestait aussi par un ensemble d’interdits, les tapu (tabous), qui exerçaient, 
pour ne prendre qu'un exemple, un rôle régulateur sur les éco-systèmes. Ainsi, des périodes 
de restriction alimentaire pour les Hommes mais de reproduction pour Dame Nature 
nommée rahu'ī, pouvaient être proclamées sur des zones lagonaires mais aussi terrestres, à 
certaines saisons, durant une période variable, en vue de futures cérémonies fastes 
nécessitant une nourriture abondante pour les dieux et les hommes le moment venu. 
 
Religion 
 
Polythéistes, les anciens Polynésiens n’étaient pas simplement très religieux : tout était régi 
et codifié par le sacré, du rythme des activités humaines et économiques aux interdictions 
venant des dieux et que les prêtres faisaient connaître à la population. 
Leur panthéon était riche d’un grand nombre de divinités ou atua en tahitien, dont certains 
demi-dieux ou atua ta’ata, eux-mêmes intégrés à une hiérarchie qui pouvait varier selon les 
îles et les districts, et selon les époques. Pour ce qu’on peut en savoir, ils croyaient que ces 
dieux habitaient les dix cieux superposés qui, selon eux, composent la partie supérieure de 
l’univers, la terre des hommes représentant la partie médiane et les mondes souterrains des 
origines, la partie inférieure. La présence des dieux dans le monde des hommes se manifestait par des objets sacrés tels 
les ti'i ou les to’o, dont les plus connus aujourd’hui sont les ti'i/tiki en pierre, en corail ou en 
bois, réceptacles du mana, ces forces, ces énergies cosmiques et cosmogoniques animant 
les élements de la nature. Les dieux prenaient aussi l’apparence d’animaux, comme le dieu 
‘Oro, qui se manifestait sous la forme d'une frégate, ou le dieu Tāne, sous forme de requin. 
À l’arrivée des Européens, c’est le dieu ‘Oro qui avaient la prééminence du culte et l’on 
pense que la plupart des grands marae lui étaient consacrés lors de cette période. Plus tard, 
le dieu Ta'aroa - créateur de toute chose et tout être - fut identifié au "Yahwé" des 
missionnaires, permettant ainsi une transition relativement aisée vers le monothéisme. 
 
Une totale adaptation à l’environnement 
 
Cette civilisation de type néolithique avait une connaissance approfondie de son milieu. Elle 
fit preuve d’une grande ingéniosité dans sa maîtrise de la pierre et de la nacre - pour se 
confectionner des outils et créer une statuaire rituelle - mais aussi du bois (pirogues, 
constructions) et de la fibre végétale pour se confectionner des vêtements (le tapa). 
En l’absence de métal et de poterie, les anciens Polynésiens avaient développé des 
techniques élaborées de vannerie et de tressage, leur permettant de confectionner des 
objets utilitaires, décoratifs, rituels ou de prestige. 
Essentiellement pêcheurs, les anciens Polynésiens étaient également d’habiles horticulteurs 
et surent adapter aux îles où ils s’installèrent les plants qu’ils y avaient amenés ('uru – arbre 
à pain, banane, taro, patate douce, etc…). 
Leur maîtrise de l’océan, espace sacré et lieu de déploiement de leurs migrations, était 
remarquable. Ils élaborèrent des techniques de pêche dont certaines sont particulièrement 
adaptées aux lagons et que l’on retrouve dans la plupart des îles qu’ils occupèrent. Fruits de 
mer, coquillages et algues participaient également à la nourriture, sans destruction des 
stocks naturels. 
À terre, ils occupèrent principalement le littoral, mais les vallées (sur les îles hautes) furent 
régulièrement habitées. Ils y développèrent des techniques s’apparentant plus à 
l’horticulture qu’à l’agriculture, leur permettant d’adapter sur des sols souvent fertiles et 
abondamment arrosés des variétés comestibles (banane, coco, 'uru-arbre à pain, etc..). Les 
îles hautes qu’ils investirent ne possédant quasiment pas de plantes alimentaires, ils 
pratiquaient aussi des cultures en terrasse (patate douce, igname, taro…). 
Sur les atolls, au sol corallien aride, ils mirent au point des fosses de culture dans lesquelles 
était préparée une sorte de compost naturel à base de débris végétaux. 
 
Des arts très développés 
Liés à un ensemble de mythes et de rites, mais aussi aux matières et aux outils disponibles, 
les arts des anciens Polynésiens ont atteint une valeur esthétique reconnue par les artistes 
et les écrivains européens. Une grande partie de cette expression artistique se manifestait 
dans un art de la parure (coiffes de cérémonies, bijoux et ornements, sculpture, gravure, 
tatouage,…) associé aux cérémonies ou comme insigne de distinction sociale. 
Parmi cet art d’ornement, le tatouage (mot venant du polynésien tatau) a connu un grand 
développement aux Marquises où il atteint un niveau inégalé dans tout le Pacifique. 
La musique des anciens Polynésiens nous est connue par les témoignages des voyageurs du 
XVIIIème siècle qui font état d’instruments à percussion ou à vent (flûtes nasales, conques, 
sifflets, tambours) et d’une production chantée associée aux nombreuses occasions de vie 
sociales et religieuses (généalogies, psalmodies funéraires, chants cérémoniels, ballades, ...). 
Des démonstrations théâtrales, tragiques, dramatiques ou burlesques, mais également des 
danses faisaient l’objet de représentations collectives. Celles-ci sont à l’origine de ce que l’on 
appelle aujourd’hui la danse traditionnelle. Une expression orale éloquente et variée permettait notamment de transmettre les connaissances des générations passées, grâce à 
un discours rythmé à fonction mnémotechnique. 
 
CONTACT ET COLONISATION 
 
Premiers contacts 
 
Lors de la première circumnavigation de l’histoire en 1521, le navigateur portugais Magellan 
fut, sans doute, le premier européen à apercevoir une île polynésienne: probablement l’atoll 
de Fakahina dans les Tuamotu. Mais il faut attendre 1595 pour qu’un premier contact réel 
s’établisse entre Européens et Polynésiens. Parti du Chili, le navigateur espagnol Alvaro 
Mendaña y Neira fit escale à Fatuhiva et Tahuata aux Marquises. 
En 1606, Quiros, pilote de Mendaña lors de sa première expédition, traversa l’archipel des 
Tuamotu et séjourna sur l’actuel atoll de Hao. Toutefois, ces découvertes luso-espagnoles 
restèrent sans lendemain. 
 
Explorateurs et scientifiques 
 
En 1767, la frégate du navigateur anglais Samuel Wallis aborde le rivage de l’île de Tahiti qui 
accueille ainsi ses premiers visiteurs européens. 
Un an plus tard, le navigateur français Bougainville aborde à son tour l’île de Tahiti. Le 
Tahitien Ahutoru se joint à l’expédition devenant ainsi le premier tahitien à découvrir 
l’Europe. 
Le capitaine anglais James Cook à la tête d’expéditions à caractère scientifique abordera 
Tahiti à trois reprises : en 1769, en 1773 et 1777. 
Parmi les premières expéditions, on notera - en 1788 – celle du navire anglais Bounty 
commandé par William Bligh. Ce dernier avait pour mission de ramener des plants d’arbres à 
pain vers les Antilles. A la suite de la célèbre mutinerie, seize matelots s’installèrent à Tahiti. 
Les autres mutins sous les ordres de Fletcher Christian tentèrent d’abord de s’installer à 
Tupua'i dans l’archipel des Australes avant de se fixer sur la minuscule île de Pitcairn. 
 
Choc des cultures 
 
A la fin du XVIIIème et au tout début du XIXème siècle, les fréquents passages d’expéditions 
commerciales ainsi que la présence régulière de navires baleiniers modifient peu à peu le 
comportement et le mode de vie des populations autochtones. Les visiteurs introduisent 
ainsi dans la société polynésienne le fer, mais aussi les armes à feu et l’alcool. Si le choc des 
deux civilisations - relativement peu violent comparativement à d’autres régions colonisées, 
à la même époque- est atténué par des métissages, celui-ci se traduit cependant par 
l’introduction de maladies inconnues des Polynésiens. 
 
Naissance d’un mythe 
 
Au cours des premiers contacts, naîtra le mythe du «paradis terrestre». Celui-ci trouve ses 
racines dans les récits des navigateurs espagnols Quiros et Mendaña décrivant amplement la 
beauté de ces îles et de ceux qui les peuplent. Mais c’est surtout le navigateur français 
Bougainville qui, par le récit de son escale à Tahiti va puissamment installer dans l’imaginaire 
occidental le mythe du «paradis » tahitien. Imprégné de la figure du «bon sauvage» défendu 
à l’époque par le philosophe Jean-Jacques Rousseau et de surcroît, fortement marqué par - 
ce qu’il perçoit comme une sensualité exacerbée de la part des Polynésiennes, Bougainville 
n’hésitera pas à qualifier Tahiti de «Nouvelle Cythère», du nom de l’île méditerranéenne Cythère qui, dans la mythologie grecque, est le lieu de naissance de la déesse de l’amour, 
Aphrodite. Une vision forcément réductrice qui se retrouvera dans de nombreuses erreurs 
d’interprétation et d’analyse de la société polynésienne traditionnelle. 
 
Luttes d’influences des grandes puissances 
 
Dès la fin du XVIIIème et au cours du XIXème siècle, Tahiti & ses îles deviennent le lieu 
d’affrontement des grandes puissances : l’Angleterre et la France, et dans une moindre 
mesure l’Allemagne et les Etats-Unis. Dans une période historique particulièrement 
marquée par les expansions coloniales, celles-ci veulent étendre leur zone d’influence dans 
le Pacifique où l’île de Tahiti bénéficie d’une position clef. 
Une autre bataille, mais confessionnelle celle-ci, oppose également missionnaires 
catholiques et protestants. Dès 1797, dans le sillage des tout premiers explorateurs et 
commerçants, ces missionnaires débarquent pour convertir les Polynésiens. 
 
L’instauration d’une dynastie 
 
À Tahiti, dès la fin du XIXème siècle, une période intermédiaire d’unification sous une seule 
vraie dynastie, à l'instar de celles d'Europe, celle des Pōmare (Pōmare I et Pōmare II), est 
d’abord favorisée par les représentants des ambitions européennes alors présents. En plus 
des alliances qu’il passa avec des chefferies des îles Sous-le-Vent, Pōmare II sut très 
habilement s’appuyer sur ces puissances extérieures pour accroître et développer son 
pouvoir. Dès 1811, il se convertit au christianisme. En 1815 à Tahiti, la bataille de Fē’ī Pī - 
remportée par les partisans de Pōmare II sur une alliance de chefs tahitiens - scelle 
définitivement l’instauration de cette dynastie. 
Dans un premier temps, l’influence britannique s’impose cependant sur les îles 
polynésiennes. 
La reine Pōmare IV qui succède à Pōmare III, mort en bas âge, expulse les missionnaires 
catholiques français en 1834 et fait du protestantisme la religion officielle de son royaume. 
 
Du protectorat à l’annexion française 
 
Représentée par le vice-amiral Dupetit-Thouars, la France finit en 1843 par imposer à la 
Reine Pōmare IV, non sans résistance, son protectorat sur Tahiti et Mo'orea. Un an plus tard, 
ce protectorat est étendu aux Marquises. A l’issue d’un long règne de cinquante ans, la reine 
Pōmare IV meurt et son fils, Pōmare V, lui succède en 1877. Finalement, le 29 juin 1880, 
Pōmare V abdique et «cède» ses terres à la France. Outre l’île de Tahiti, celles-ci 
comprenaient Mo'orea, Maia'o, Meheti'a, les îles des Tuamotu, Tupua'i et Ra'ivāvae dans 
l’archipel des Australes. L’entreprise d’annexion de l’ensemble des archipels polynésiens ne 
fut pas immédiate, cependant. Après l’annexion des îles Gambier, en 1881, ce fut le tour des 
Îles Sous-le-Vent en 1888 et, en 1902, des îles Australes. 
 
Résistance 
 
Cette entreprise d’annexion et la colonisation française furent ponctuées de nombreux 
conflits armés. De 1844 à 1846, des chefs opposés à la présence française se rebellèrent et 
s’affrontèrent violemment avec l’armée française sur l’île de Tahiti. Les Marquises furent 
également le théâtre d’une résistance anti-française. 
La seule annexion des Iles Sous-le-Vent (Ra'iātea, Taha'a, Huahine, Bora Bora, Maupiti) 
provoqua une guerre entre l’armée française et les insurgés insulaires sous la conduite du chef Teraupo’o, de 1888 à 1897. Leur défaite marqua la fin de toute résistance armée à la 
colonisation française. 
 
Christianisation 
 
Après celle du "roi" Pōmare II en 1812, la conversion massive des Polynésiens est en marche. 
Elle est facilitée par le désarroi des populations polynésiennes confrontées à un très fort 
déclin démographique. En 1819, l’instauration du code Pomare II, fortement influencé par 
les missionnaires, se traduit par l’interdiction pure et simple de pratiques traditionnelles 
telles la danse et le tatouage. Une dévalorisation de la culture traditionnelle qui entraînera 
la disparition de pans entiers du patrimoine polynésien, tant matériel qu’immatériel. 
Les missionnaires, appuyés par les puissances colonisatrices, acquièrent rapidement une 
influence très importante dans la société polynésienne prenant en main, notamment, 
l’instruction des jeunes Polynésiens avec la création d’écoles. 
Néanmoins, les missionnaires ont également constitué un contre-pouvoir aux abus les plus 
flagrants de la colonisation. Ils ont eu un rôle clef dans la sauvegarde de la langue, 
notamment par leurs traductions de la Bible dans les langues polynésiennes . 
 
Acculturation et métissages 
 
L’arrivée des Européens conduisit à un phénomène d’acculturation qui porta gravement 
atteinte aux fondements de la société polynésienne traditionnelle. Les différentes 
communautés insulaires vont progressivement quitter l’état de chefferies associées plus ou 
moins rivales pour se faire absorber - via alliances et conversions - par des structures 
étatiques. En conséquence de cette situation politique, la vie sociale de Tahiti (moins 
remarquablement dans les autres îles) connut ensuite l’ascension des «demis» ou métis 
issus de mariages mixtes devenus nombreux. Au cours de la seconde moitié du XIXième 
siècle, ceux-ci devinrent grands propriétaires terriens et s’accaparèrent des postes dans 
l’administration qui s’était installée dans la petite bourgade de Papeete. 
 
Déclin démographique et émigration 
 
Le XIX ième siècle a été marqué par un terrible déclin démographique dû, en partie, aux 
ravages des épidémies de maladies importées par les visiteurs extérieurs mais aussi aux 
ravages causés par l’alcool. En 1880, l’île de Tahiti ne comptait plus que 6 680 habitants. 
L’archipel des Marquises n’en comptait plus que 2 500 habitants contre 40 à 50 000 selon les 
estimations des premiers visiteurs européens. Pour faire face au dépeuplement, 
l’administration coloniale encouragea même l’immigration à la fin du XIXième siècle et au 
début du XX ième. Dès la deuxième moitié du XIXième siècle, en plus des émigrés européens 
et américains, une communauté chinoise s’implante, accélérant la constitution d’une société 
plurielle et métissée. 
 
En quête d’exotisme 
 
La fin du XIXième siècle et le début du XXième furent également marqués par la venue, voire 
l’installation, de nombreux artistes extérieurs en quête du « paradis ». Un mouvement 
accentué à la fin du XIXième siècle par la quête d’exotisme qui guida alors nombres de 
créateurs européens. La figure la plus marquante de ce mouvement est incontestablement 
le peintre français Paul Gauguin qui vécut pendant plusieurs années à Tahiti et termina sa 
vie dans l’archipel des Marquises, en 1903. Pour les écrivains, on retiendra les écrits de Paul Loti, Robert-Louis Stevenson, Jack London 
et Victor Segalen. Tahiti devint donc une puissante source d’inspiration. La bibliographie 
établie par le père O Reilly en 1967 dénombrait plus de 10 000 ouvrages faisant référence à 
Tahiti. 
Par la suite, les cinéastes prirent rapidement le relais à l’image du film de F. Murnau 
«Tabou» tourné à Bora Bora dès 1929 et de la toute première adaptation des révoltés du 
Bounty (d’après le roman de J.N Hall et R. Nordhoff) tournée à Tahiti en 1935.